« LES DRH DOIVENT AVOIR LE RÉFLEXE DE SE FAIRE AIDER »

MARIE-FRANÇOISE LEFLON, PRÉSIDENTE DE L'APEC

« LES DRH DOIVENT AVOIR LE RÉFLEXE DE SE FAIRE AIDER »

En vertu de l'alternance patronat-syndicat qui rythme la vie de l'Association pour l'emploi des cadres tous les deux ans, Marie-Françoise Leflon, secrétaire nationale de la CFE-CGC chargée de l'emploi, est la présidente de l'Apec depuis le 14 septembre 2011. Elle fait le point sur le nouveau positionnement de l'Apec.

Propos recueillis par Sylvie Aghabachian pour la revue personnel janvier 2013.

Parallèlement à votre activité professionnelle, vous exercez des mandats syndicaux. Que pensez-vous apporter à l'Apec en tant que secrétaire nationale de la CFE-CGC chargée de l'emploi ?

Marie-Françoise Leflon : Le gros avantage de mes mandats syndicaux, c'est qu'ils m'ont amenée à travailler sur toutes les problématiques liées à l'emploi : l'accès à l'emploi, la rupture, la sortie ainsi que tous les liens entre ces différentes périodes. En juillet 2011, j'ai participé à la négociation de l'ANI et j'ai mené la négociation en intersyndicale afin qu'elle soit plus forte par rapport au Medef.

Nous avons beaucoup de rencontres de travail entre les organisations de salariés et d'employeurs, et la décision prise par le Conseil d'administration est consensuelle. L'objectif est de chercher le consensus et pas le conflit. Quant à mes mandats syndicaux, le réflexe est plus épidermique. Je porte un regard plus attentif sur les salariés que ne le feraient traditionnellement les représentants d'employeurs, qui ont bien d'autres préoccupations. Mais il faut quand même se méfier des préjugés et des idées reçues. Car les prises de décision et le partage d'idées sont collectifs. J'ai la double responsabilité de faire vivre et développer l'Apec dans la durée, dans les règles conformes au pantarisme.

Vous siégez également au CA de Pôle Emploi… Quels sont les changements que vous souhaiteriez impulser à l'Apec pendant votre présidence ?

M-F.L. : Cela me permet tout d'abord d'avoir une complémentarité de regard et des acteurs du marché de l'emploi. Et puis, nous avons développé des partenariats avec Pôle Emploi comme l'accompagnement des jeunes issus de l'université sans diplôme. Avec un taux de chômage à 10 %, le marché peut devenir plus mobile si tous les acteurs peuvent travailler ensemble. Tout le monde peut s'y retrouver.

La cible de l'Apec sont les Bac+4/5 et les cadres. Vous allez désormais vous intéresser aux jeunes sans diplôme ?

M-F.L. : Nos missions traditionnelles fortes se concentrent envers les cadres et les jeunes diplômés. Mais en 2011, nous avons négocié un accord avec Pôle Emploi et les missions locales car le taux de chômage frôle les 22 % chez les jeunes. Jusqu'en 2013, nous allons donc accompagner près de 50 000 jeunes Bac+3 afin de les aider à retrouver une scolarité plus adaptée. Ils ne sont pas encore diplômés mais ils disposent d'un vrai profil et d'un plan de carrière qui les amènera à être cadre. Il s'agit là d'une mission ponctuelle sur trois ans afin de prendre en mam les nouveaux enjeux. C'est également le cas pour la 2ème édition des Trophées Apec de l'Egalité Femme-Homme.

Quelle image ou regard aviez-vous de l'Apec avant d'en devenir la présidente ?

M-F.L. : J'avais une belle image sinon je ne m'y serais pas intéressée. L'Apec s'adresse à la majorité silencieuse : à la classe moyenne, pas traitée socialement. En effet, on s'occupe des jeunes, des seniors, des personnes sans emploi. Mais il existe une quantité de salariés qui travaillent dans les entreprises mais dont personne ne s'occupe. Les entreprises ne pensent pas à leur proposer les services de l'Apec. Ainsi, les relations des cadres avec l'Apec sont solitaires J'aimerais donc revoir ce paysage traditionnel.

Le CA de l'Apec vient d'adopter son plan stratégique de 2012 à 2016. L'un des objectifs majeurs de l'Apec est la sécurisation des parcours professionnels et des recrutements….Comment allez-vous vous y prendre ?

M-F.L. : La sécurisation des parcours professionnels et des recrutements s’appuie sur les missions traditionnelles de l'Apec. Elle va être plus institutionnalisée afin de mieux préparer et anticiper les évolutions professionnelles, les ruptures, les mobilités internes, géographiques, les reconversions. De plus en plus d'entreprises n'ont pas les moyens, ni le temps de penser les choses. Ils donnent des informations mais pas des conseils. De nombreuses PME notamment sont démunies. C'est pour cela que nous organisons des matinales entre responsables RH et de l'Apec pour aborder leurs problématiques et même leurs spécificités territoriales car nous disposons de données sur révolution des embauches au niveau local. Notre objectif est de développer ces services à plus de 30 %

Comment voyez-vous évoluer la relation entre les RH et l'Apec ?

M-F.L. : Nous avons lancé une grande campagne médiatique pour communiquer sur la nouvelle image de l'Apec et sur son logo Les collaborateurs – l'Apec compte 850 salariés – vont essayer d'apporter des services ponctuels. Certains sont gratuits, d’autres factures 38 OOO entreprises ont recours à nos services. Mais les DRH doivent prendre l'habitude de faire appel à l'Apec et pas seulement pour leurs offres. Certes, la diffusion des offres d'emploi est la véritable image de marque de l'Apec car celles-ci sont perçues plus crédibles. Nous en diffusons 400 OOO par an Mais ils doivent avoir le réflexe de se faire aider par l'Apec en ce qui concerne l'accompagnement législatif, I entretien annuel, l'égalité professionnelle et prochainement le contrat de génération. Certaines entreprises nous sollicitent mais pas suffisamment. Il faut démystifier cela Les salaries nous approchent en dehors de leurs heures de travail, de manière confidentielle et solitaire. Si leurs employeurs donnaient l'exemple, ils anticiperaient leur mobilite autrement L'Apec peut les aider à mutualiser leurs compétences en région. Nous avons signé des conventions avec des universités, des grandes écoles. Pourquoi ne pas en créer avec les entreprises ?

L'Apec a signé une nouvelle convention de mandat de service public. Comment allez-vous conjuguer vos activités commerciales à celles de service public en conformité avec la règlementation européenne ?

M-F.L. : Lorsque le mandat de service public a été négocié, nous avons accepté de le faire avec l'Igas et la Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) pour s'assurer de la conformité avec la règlementation européenne. L'utilisation gratuite des services de l'Apec a été réaffirmée grâce au paiement des cotisations. C'est le cœur de la mission de l'Apec. Les services marchands ne sont possibles dès lors qu'il existe un équilibre financier. Ils seront dans tous les cas ponctuels.

Quelles sont les innovations importantes que vous allez proposer?

M-F.L. : Nous avons plusieurs pistes sur le positionnement de l'Apec : augmenter ou réduire les centres, élargir les amplitudes des horaires, développer le volume des prestations. Nous pouvons aussi travailler sur les moyennes employabilités et sur l'anticipation du marché de l'emploi. La question de l'inadéquation entre les offres et les attentes, ainsi que le lien entre les besoins et les compétences sont des axes intéressants. De même que les offres de formation ou bien le redéploiement des consultations de salariés avant les PSE Nous pouvons aussi réfléchir à une resegmentation des niveaux de cadres, à la mobilité internationale… Notre service d'études est très en veille sur tous ces aspects. Le regard porté par les DRH sur ce qui leur manquerait serait utile : multiplier les entretiens de seniors, simplifier les entretiens de carrière…